Face au changement climatique et aux pressions sur les écosystèmes, les semences à travers le monde ont un rôle central pour atteindre la souveraineté alimentaire. FARM a donné la parole à Million Belay, coordinateur général de l’Alliance pour la souveraineté alimentaire en Afrique (AFSA) et membre du Panel international d’experts sur les systèmes alimentaires durables (IPES-Food). Il nous parle de l’importance du secteur dans le contexte africain.
Les semences et les systèmes de production de semences jouent un rôle essentiel dans la sécurité et la souveraineté alimentaires. Comment percevez-vous leur importance dans le contexte africain ?
Les semences et les systèmes semenciers sont cruciaux dans le contexte africain pour plusieurs raisons. Sur le plan social tout d’abord, les semences sont à la base des traditions alimentaires et culturelles de nombreuses communautés africaines. Les variétés de semences traditionnelles et adaptées localement ont souvent une signification culturelle et spirituelle. Elles contribuent à la résilience des communautés, à la sécurité alimentaire locale et à la préservation du patrimoine culturel.
Ensuite, sur le plan économique, l’accès à des semences de qualité et à des variétés de semences diverses est essentiel pour les moyens de subsistance et la stabilité économique des petits agriculteurs. En effet, les agriculteurs peuvent réduire le coût des intrants, augmenter les rendements et améliorer les débouchés commerciaux en utilisant des semences adaptées aux conditions locales.
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N’oublions pas aussi que, sur le plan agronomique, les semences adaptées localement conviennent mieux aux diverses conditions agroécologiques que l’on trouve en Afrique. Elles ont évolué et se sont adaptées au fil des générations pour résister aux parasites, aux maladies et aux variations climatiques, ce qui les rend plus résistantes et plus fiables pour les agriculteurs. Enfin, avec les effets du changement climatique, tels que l’augmentation des sécheresses et des phénomènes météorologiques extrêmes, la diversité des variétés de semences devient vitale pour l’adaptation et la résilience. Les semences locales possèdent souvent des caractéristiques telles que la tolérance à la sécheresse ou la résistance aux parasites et aux maladies, ce qui aide les agriculteurs à faire face à l’évolution des conditions climatiques.
Malgré vos initiatives, de nombreux agriculteurs du continent n’ont pas accès à des semences de qualité. Quelles en sont les raisons ? Quels sont les freins à lever et les actions à développer ?
Plusieurs facteurs contribuent à l’accès limité aux semences de qualité pour les agriculteurs africains. Tout d’abord les systèmes semenciers en Afrique sont faibles. Des infrastructures inadéquates, des investissements publics limités et des cadres réglementaires faibles entravent souvent le développement et le fonctionnement de systèmes semenciers robustes. Le soutien à la production, à la distribution et au contrôle de la qualité des semences est insuffisant et il peut entraîner un manque d’accès à des semences de qualité pour les producteurs.
De plus, dans certains cas, les politiques et réglementations semencières peuvent donner la priorité aux systèmes semenciers commerciaux ou restreindre les droits des agriculteurs à conserver, échanger et vendre leurs propres semences. Cela peut limiter les options des agriculteurs et entraver la disponibilité de semences diverses et adaptées localement.
Ensuite, la prédominance des sociétés semencières à grande échelle qui se concentrent sur les semences hybrides ou génétiquement modifiées peut limiter la disponibilité et l’accessibilité des variétés de semences traditionnelles et adaptées localement. Les petits agriculteurs peuvent rencontrer des difficultés pour accéder à ces semences commerciales en raison de leur coût, de leur disponibilité ou de leur inadéquation aux conditions locales.
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Pour répondre aux défis auxquels sont confrontés les agriculteurs pour accéder à des semences de qualité, plusieurs actions peuvent être entreprises. Il s’agit tout d’abord du renforcement des systèmes semenciers locaux par le soutien et l’investissement notamment dans les banques de semences communautaires, les réseaux de semences gérés par les agriculteurs et les programmes participatifs de sélection végétale. Cela peut améliorer l’accès des agriculteurs à des semences diverses et adaptées localement.
Le plaidoyer politique est aussi une action que l’AFSA met en œuvre en faveur de réformes politiques qui protègent les droits des agriculteurs, promeuvent la souveraineté semencière et garantissent un accès équitable à des semences de qualité. Cela comprend le plaidoyer pour des lois sur les semences qui reconnaissent et soutiennent les divers systèmes semenciers trouvés en Afrique.
Enfin la formation et le soutien technique aux agriculteurs est essentiel. Cela concerne les techniques de conservation et de multiplication des semences ce qui peut leur permettre de préserver et de multiplier les variétés de semences adaptées localement. Il est également crucial de renforcer la capacité des organisations paysannes et des institutions communautaires à gérer les banques de semences et les systèmes semenciers.
À travers plusieurs projets comme ESAFF Ouganda, vous avez développé des banques de semences communautaires afin de préserver les variétés locales et permettre aux agriculteurs d’accéder à une autre source de revenus. Comment fonctionnent ces banques ? Ce modèle est-il reproductible à grande échelle ?
Les banques de semences communautaires, comme celles développées dans le cadre de projets comme ESAFF (Eastern and Southern Africa Small-scale Farmers’ Forum) en Ouganda, peuvent servir de modèles efficaces pour préserver les variétés de semences locales et fournir aux agriculteurs des sources de revenus alternatives. Ces banques communautaires collectent et stockent diverses variétés de semences adaptées aux conditions agroécologiques locales. Elles facilitent leur échange et leur distribution.
Ces semences sont soigneusement gérées, documentées et mises à la disposition des agriculteurs. Les agriculteurs peuvent en effet en emprunter à la banque pendant les saisons de plantation et retourner une plus grande quantité de semences après la récolte. Ce système favorise le partage des semences et renforce les systèmes semenciers locaux.
Outre l’échange, ces banques communautaires peuvent s’engager dans des activités génératrices de revenus, telles que la vente de semences excédentaires, la formation sur la production et la qualité des semences, ou l’offre de services liés à la multiplication des semences.
Ce projet conduit en Ouganda pourrait être reproduit et répliqué ailleurs sur le continent et à grande échelle. Cela dépend de divers facteurs, notamment de l’engagement communautaire, du soutien institutionnel et de l’adoption de politiques favorables à ces dispositifs. La collaboration entre les organisations paysannes, la société civile et les gouvernements peut aider à développer les modèles réussis et à les adapter à différents contextes.
Comment les acteurs du secteur privé en Afrique peuvent-ils travailler avec vous pour préserver le patrimoine semencier du continent ?
Les acteurs du secteur privé en Afrique peuvent travailler avec des organisations comme l’AFSA pour contribuer à la préservation du patrimoine semencier du continent de plusieurs manières. Ils peuvent appuyer et soutenir la diversité des semences en investissant dans les efforts de recherche et de développement pour diversifier les options de semences, y compris les variétés traditionnelles et adaptées localement. Ils peuvent collaborer avec les agriculteurs et les communautés locales pour identifier et promouvoir des variétés de semences. Leur rôle est aussi important pour participer à la conservation des semences.
Les entreprises privées peuvent s’engager dans des partenariats avec des banques de semences communautaires et soutenir leurs efforts pour conserver les variétés de semences locales. Cela peut inclure des contributions financières, une assistance technique ou des initiatives de renforcement des capacités.
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Les acteurs du secteur privé peuvent participer au développement du secteur en adoptant des pratiques commerciales donnant la priorité à des systèmes semenciers équitables et durables, y compris des pratiques commerciales équitables, des mécanismes équitables de partage des avantages et un soutien aux droits des petits agriculteurs à la conservation et à l’échange de semences.
La collaboration entre les acteurs du secteur privé et les organisations comme l’AFSA doit être fondée sur des valeurs partagées, sur la transparence et sur les avantages mutuels afin de préserver le patrimoine semencier de l’Afrique tout en promouvant des pratiques agricoles durables.
L’Alliance pour la souveraineté alimentaire en Afrique (AFSA) est une coalition panafricaine a pour objectif de promouvoir l’adoption d’approches agroécologiques pour le développement de systèmes alimentaires durables. Parmi les actions clés, on peut citer le plaidoyer et l’engagement politique. Elle propose également des programmes de formation et de renforcement des capacités aux agriculteurs, aux organisations de la société civile et à d’autres parties prenantes en matière de pratiques agricoles agroécologiques, de techniques de conservation des semences et de gestion durable des ressources naturelles. Elle facilite également la mise en place de plateformes et de réseaux de partage des connaissances afin de promouvoir les meilleures pratiques et expériences à travers l’Afrique.
Million Belay, coordinateur général de l’Alliance pour la souveraineté alimentaire en Afrique (AFSA) et membre du Panel international d’experts sur les systèmes alimentaires durables (IPES-Food)