La jeune population de l’Afrique est en constante augmentation et elle peut jouer un rôle majeur en contribuant au développement durable. Notre auteur fait valoir que même si les jeunes sont confrontés à des obstacles, l’agriculture leur offre de nombreuses opportunités potentielles, dont certaines vont bien au-delà de la simple production alimentaire.
C’est une statistique stupéfiante, mais d’ici à 2050, la population de l’Afrique devrait doubler et atteindre environ 2,6 milliards de personnes. Nourrir autant de bouches compte tenu des problèmes que pose l’instabilité économique, politique et sociétale, sans parler de l’impact du changement climatique, ne va pas être simple. Quand on pense qu’en 2019, près de 60 pour cent de la population africaine avait moins de 25 ans, ce qui faisait de l’Afrique le continent le plus jeune du monde, il apparaît clairement que les jeunes Africains détiennent les clés de la survie même du continent et ont la charge de poursuivre le développement mondial. En 2019, plus d’un tiers de la population avait de 15 à 34 ans. D’ici 2100, les jeunes Africains pourraient représenter le double de l’ensemble de la population de l’Europe. Selon les Nations unies, l’âge médian était de 19,8 ans en 2020. Sur l’ensemble du continent, c’est Maurice qui devrait avoir l’âge médian le plus élevé (37,4 ans) et le Niger le plus faible (15,1).
Toutefois, dans la jeune Afrique, seulement 56 pour cent de la population est en âge de travailler, ce qui veut dire qu’environ 1,3 personne en âge de travailler a une personne à charge (surtout des jeunes), alors que la moyenne mondiale est de deux travailleurs pour une personne à charge. C’est en substance que qu’on appelle « l’explosion démographique des jeunes » et il n’a jamais été aussi urgent de s’attaquer à ce problème.
Selon la Banque mondiale, en 2020, 14,5 pour cent des jeunes de 15 à 24 ans n’avaient pas d’emploi en Afrique sub-saharienne. C’est un des taux les plus bas, à l’échelle mondiale, pour cette tranche d’âge. Toutefois, l’Organisation internationale du travail indique que la plupart de ces jeunes travaillent de façon informelle, sont sous-employés ou vivent dans la pauvreté en raison de la faiblesse des salaires. Tout simplement, le nombre croissant de jeunes sans emploi ou sous-employés – notamment dans les pays en développement – est un des plus gros problèmes du 21esiècle.
L’agriculture est la plus importante opportunité d’emploi pour les jeunes
L’agriculture a longtemps été le secteur dominant en matière de production, d’emplois et de recettes d’exportations dans une bonne partie de l’Afrique. De fait, ce secteur offre sans doute la plus importante opportunité de travailler pour nos jeunes. C’est pourquoi tout changement significatif de l’avenir du continent doit tenir compte de l’agriculture.
Une « révolution » de l’agroalimentaire impliquant la jeunesse africaine est donc nécessaire pour qu’elle puisse tirer parti du fait que ce secteur représente environ 25 pour cent du produit intérieur brut du continent et 70 pour cent de l’emploi. Avec notre appui, cette jeunesse doit relever les défis qui se présentent de façon à laisser un héritage durable à ses propres enfants et à leur avenir.
Cela est particulièrement vrai lorsqu’on pense au rôle des jeunes dans les chaînes de valeur agricoles. Nous devons adopter une double approche d’amélioration de leurs compétences, non seulement en en ce qui concerne la production d’aliments plus sains exempts de pesticides agricoles et de maladies, mais aussi en contribuant à faire d’eux des conseillers de villages – donnant des informations cruciales dans le but d’améliorer les rendements. Il se pourrait également qu’ils assument ces deux rôles dans le cadre d’une double approche de la crise alimentaire croissante.
Le temps est venu que les jeunes Africains mènent à bien la réalisation technique de l’agriculture numérique en reconnaissant qu’il s’agit-là d’un facteur majeur du développement économique dans le secteur agricole. C’est particulièrement vrai au Kenya, où des innovations numériques ont atténué les barrières commerciales dans certaines chaînes de valeur en mettant à disposition des plateformes de commerce qui relient directement les agriculteurs aux commerçants, ce qui leur permet de tirer des revenus intéressants de leurs récoltes. Le projet Maudhui Digiti (contenu numérique) conduit par l’African Centre for Women, Information and Communications Technology (ACWICT), par exemple, a récemment évalué l’accès au contenu numérique et son utilisation. Il a notamment évalué les opportunités d’emploi des femmes et des jeunes dans l’univers numérique à l’intention des agriculteurs et notamment des communautés et organisations agricoles mal desservies du comté de Laikipia, au Kenya central.
Les jeunes peuvent catalyser la réalisation de l’agriculture numérique en Afrique sub-saharienne
Les jeunes jouent un rôle essentiel dans la transformation de l’agriculture et du monde rural. Dans un livre récemment publié par le Centre for Agriculture and Biosciences (CABI) et intitulé Youth and the Rural Economy in Africa, une des conclusions recommande une promotion technologique ciblée sur les jeunes qui sont pour la plupart des « natifs du numérique ». Ces jeunes peuvent catalyser la réalisation de l’agriculture numérique en Afrique sub-saharienne grâce à leur inventivité et leur rapidité d’adoption des nouvelles technologies.
La Good Seed Initiative est un exemple dans lequel le CABI a apporté un appui massif à la production agricole, surtout chez les petits exploitants agricoles, notamment les jeunes d’Afrique et au-delà. Cette initiative a été mise en œuvre en Afrique de l’Est de 2013 à 2016. Elle cherchait à promouvoir une production de bonne qualité de semences de légumes indigènes d’Afrique (African Indigenous Vegetable – AIV) dans le but d’augmenter les revenus des producteurs de semences. Elle visait également à contribuer à la sécurité alimentaire et nutritionnelle des petits exploitants agricoles et d’autres acteurs des chaînes de valeur des semences et des légumes.
Le projet permettait aux femmes et aux jeunes de l’Ouganda et de Tanzanie à s’impliquer dans des chaînes de valeur rentables tirées par le marché et nécessitant un minimum de capitaux et d’autres facteurs de production. L’objectif a été atteint en donnant aux femmes et aux jeunes les compétences nécessaires pour produire des semences de légumes indigènes pour lesquelles la demande est restée élevée.
Dans une étude menée par le CABI et mettant l’accent sur la Zambie et le Vietnam, nous avons cherché à comprendre la nature de la participation des jeunes et à identifier les obstacles et les opportunités d’engagement des jeunes dans l’agriculture et l’agroalimentaire à Lusaka, Zambie et à Vinh Phuc, Hung Yen, Dak Lak et Tien Giang au Viet Nam. Nous avons constaté que si une majorité d’entre eux était engagée dans l’agriculture – production primaire – peu étaient engagés dans la fourniture d’intrants, le commerce, le transport et la prestation de services de conseil. Par exemple, l’étude menée en Zambie a montré que presque tous les jeunes (99 %) étaient engagés dans la production agricole (végétale et animale) pour la consommation domestique et les marchés locaux et que pratiquement aucun n’était impliqué dans la prestation de services de vulgarisation pourtant précieux.
C’est là que peuvent intervenir des initiatives telles que le programme mondial PlantwisePlus mené par le CABI pour engager les jeunes à offrir des services de vulgarisation non formels et à combler les liens manquants au sein de la chaîne de valeur agricole. Dans le cadre de partenariats, par l’intermédiaire du programme Plantwise antérieur, le CABI a formé des millions de professionnels dans 34 pays en dix ans. Il s’agissait de personnels de vulgarisation, de négociants de produits agroalimentaires et d’agents de quarantaine destinés à offrir des services de meilleure qualité aux agriculteurs.
En Ouganda, où 70 pour cent des personnes sans emploi sont des jeunes, le CABI a créé un partenariat avec la Zirobwe Agaliawamu Agri-business Training Association (ZAABTA) dans le district de Luwero. Cette initiative avait pour objectif de permettre aux jeunes d’acquérir des compétences de manière à offrir divers services dans les principales chaînes de valeur agricoles rentables du pays. Mise en œuvre dans le cadre du programme PlantwisePlus, la formation visait à accroître l’offre de produits alimentaires plus sains grâce à des entreprises dirigées par des femmes et des jeunes de manière à faire face à la demande croissante des consommateurs sur les marchés ruraux, urbains et péri-urbains.
Nous pensons qu’en aidant ainsi les jeunes à offrir des services de « conseillers de villages » nous leur offrons une piste attrayante et les engageons à s’y lancer avec enthousiasme – même s’ils souhaitent s’engager dans cette activité parallèlement à des activités agricoles ordinaires.
Nous ne pouvons pas simplement attendre des jeunes qu’ils soient seulement des producteurs de denrées alimentaires. Ils peuvent également avoir besoin de faire ce qu’il faut pour garantir la sécurité de leur production et participer à un « échange de connaissances ».
En termes d’apprentissage en libre accès, les modules de formation « docteur des plantes » du CABI a été adopté par divers établissements universitaires du monde entier. Les docteurs des plantes travaillent dans des « cliniques des plantes » installées dans les communautés pour aider les agriculteurs à poser un diagnostic sur les problèmes de santé de leurs plantes et suggérer des remèdes pour que leurs cultures se développent mieux. En Ouganda, par exemple, le cours pratique du CABI sur les diagnostics sur le terrain et le fonctionnement des cliniques des plantes fait de bonnes recommandations aux étudiants à divers moments de l’étude. Ce cours a initialement été proposé en 2013 à l’université de Makéréré, Ouganda, et est aujourd’hui offert par l’université chrétienne d’Ouganda, le Collège d’agriculture de Bukalasa, l’université de Busitema et l’université de Gulu.
Nous devons renforcer nos capacités dans le cadre de « l’explosion démographique des jeunes » et pour faire face aux besoins croissants des jeunes et à leur rôle dans l’agriculture, à savoir, alimenter une population croissante.