Le financement est l’un des facteurs clés du développement agricole. Mais au sein du secteur, toutes les cultures ne sont pas logées à la même enseigne.
En Afrique de l’ouest, les filières les mieux organisées sont celles encouragées et soutenues par le colonisateur pour répondre aux besoins de ses industries. Il s’agit pour la plupart des cultures de rente notamment le coton, le café, le cacao et le caoutchouc entre autres.
A cet effet, les investissements agricoles dans les facteurs de production et de transformation sont prioritairement orientés vers la promotion de ces cultures notamment dans la recherche, la fourniture des intrants, la construction des infrastructures de transformation primaire ou de pré-traitement des produits.
Aussi, les meilleurs rendements agricoles et les meilleurs revenus sont-ils enregistrés dans ces cultures de rente destinées à l’exportation.
Les cultures vivrières bénéficiaient très peu d’attention en matière de soutien extérieur. Après les indépendances, il revenait donc aux Etats de soutenir le développement de l’agriculture. Malheureusement, les instruments de financement publics développés (banques agricoles, caisse nationale de crédit agricole et rural, …) ont également fait la part belle aux filières de rente déjà bien organisées.
Les Etats ont ainsi poursuivi dans la même lancée, le financement des cultures de rentes. Une part négligeable allait aux cultures vivrières notamment aux nouvelles cultures comme le riz. Mais, très tôt dans les années 80- 90, le Programme d’Ajustement Structurel (PAS) va interdire l’implication de l’Etat dans les activités économiques y compris le financement agricole.
Les instruments financiers publics mis en place pour le financement agricole vont encore disparaître, rendant l’agriculture africaine orpheline du financement. Les institutions de financement privées à qui revenait le rôle de financer les économies, se fondant sur les expériences peu reluisantes du financement public agricole (faible taux de remboursement notamment) et aux nombreux aléas qui caractérisent le secteur agricole, vont être réfractaires au financement de l’agriculture. Le secteur étant considéré comme risqué, les banques commerciales ne s’y intéressent que très peu et dans le cas échéant, orientent leur financement vers les cultures de rente dont les filières sont les mieux structurées.
Délaissée par le colonisateur, l’Etat et les institutions financières privées, l’agriculture ouest-africaine et principalement les cultures vivrières pourtant indispensables à la survie des populations, demeurent à ce jour largement sous-financées.
Le retour récent de l’Etat dans le financement agricole avec une nouvelle approche de partenariat public-privé peine à sortir la production agricole de sa profonde léthargie. Les populations ouest-africaines restent pour l’instant encore dépendantes dans une large proportion des importations alimentaires pour juguler l’insécurité alimentaire notamment pendant les périodes de soudure.
Le financement demeure par conséquent un défi majeur pour l’essor de l’agriculture africaine et principalement pour la production vivrière afin de garantir la souveraineté alimentaire indispensable au développement d’un pays et d’un continent. Il est alors impératif pour les producteurs vivriers de s’organiser pour établir un partenariat gagnant-gagnant avec le secteur financier privé qui ne cherche qu’à sécuriser ses investissements et à dégager du profit.
Par Gilles AMOUSSOU, Expert en politique agricole