Tout produit agricole s’inscrit dans une chaîne de valeur souvent complexe. Du champ à la fourchette, un simple fruit passe entre les mains de nombreux intermédiaires et change même parfois de continent. Au Burkina Faso, des scientifiques ont évalué la filière mangue au prisme d’analyses économiques, sociales et environnementales. Leur objectif : offrir un maximum d’informations fiables et organisées pour améliorer la pertinence des recherches et de l’action publique.
Le nouveau numéro de Perspective, le policy brief du Cirad, détaille les résultats d’une des études du projet VCA4D (voir encadré) : la filière mangue au Burkina Faso. Consommation nationale et exportations, mangues fraîches ou transformées, agriculteurs, pisteurs, détaillantes… : les scientifiques offrent une vue d’ensemble de la chaîne et des 28 000 personnes qu’elle emploie dans le pays.
La filière contribue à près de 3 % du produit intérieur brut du secteur agricole du Burkina Faso. Malgré ce poids économique important, les personnes intégrées à ces chaînes de valeur évoluent dans un contexte social et sanitaire peu avantageux. Par exemple, 99 % d’entre elles ne bénéficient pas de mécanismes de protection sociale : assurance santé, chômage ou encore retraite. Les conditions de travail sont rarement aux normes, aussi bien aux champs qu’en usines de transformation de mangues séchées ou de jus. En termes environnementaux, les phases de transport de mangues fraîches sont la principale source des impacts de la filière à cause des fortes émissions de gaz à effet de serre. La transformation en mangue séchée nécessite par ailleurs une forte consommation de gaz fossile, ainsi que le transport d’une grande quantité de mangues fraîches.
Outre ces informations contextuelles, l’étude décrit la structure même des chaînes de valeur de mangues du pays. Difficulté d’application des textes de lois, problématique du foncier, et surtout poids important de l’informel : les principaux obstacles à la prise de décision politique y sont exposés clairement. L’investissement est par exemple freiné par les fortes prises de risque que doivent prendre les acteurs de la filière pour s’assurer des revenus, et donc des conditions de vie décentes.
« L’évaluation intégrée des filières agricole portée par Agrinatura, VCA4D et le Cirad est un bel exemple de relations inter-institutionnelles fructueuses en faveur du développement durable. C’est aussi un exemple à suivre en matière d’interdisciplinarité opérationnelle et scientifique autour d’un objet commun. »
Face à des situations de grandes précarités, le secteur informel offre aux personnes des stratégies de survie et de solidarité. Parmi les recommandations formulées, les scientifiques plaident pour une meilleure compréhension de ces logiques. Passer outre la vieille opposition entre « traditionnel » et « moderne » améliorerait considérablement l’efficacité de l’action publique.
Laurent Parrot
Économiste au Cirad