L’Afrique doit se préparer à naviguer en eaux troubles, où chaque marée pourrait changer l’avenir de millions de personnes, alerte l’Organisation météorologique mondiale (OMM) dans son dernier rapport sur l’état du climat en Afrique.
Les côtes africaines font face à une montée des eaux sans précédent, avec des taux d’élévation variant de 3 à 4,1 millimètres par an selon les régions, pour une élévation moyenne globale du niveau de la mer de 3,4 millimètres annuellement sur la période allant de janvier 1993 à juin 2024. Les pays riverains de la mer Rouge, de l’océan indien et de l’Atlantique sont particulièrement vulnérables, mettant en péril des millions de vies et d’infrastructures.
Selon le tout récent rapport de l’Organisation météorologique mondiale (OMM) sur l’état du climat en Afrique 2023 (page 7), l’élévation accélérée du niveau de la mer représente une grave menace pour de nombreux pays côtiers du continent. Les données satellitaires révèlent des hausses particulièrement rapides dans certaines régions, exacerbant les risques d’inondation et compromettant les moyens de subsistance des populations côtières.
En première position, les pays riverains à la mer Rouge affichent le taux d’élévation le plus alarmant, avec une hausse de 4,1 mm par an entre 1993 et 2024, selon Celeste Saulo, Secrétaire générale de l’OMM, «ces chiffres témoignent de la vulnérabilité des pays riverains comme l’Égypte, le Soudan, l’Érythrée, Djibouti et la Somalie face à la menace grandissante de l’élévation du niveau marin.»
Avec une hausse de 4,1 mm par an entre 1993 et 2024, la mer Rouge affiche le taux d’élévation le plus alarmant au monde d’après les données de l’OMM. Cette progression fulgurante du niveau des eaux met en péril les zones côtières de plusieurs pays d’Afrique de l’Est bordant cette mer semi-fermée.
En Égypte, les risques sont majeurs pour les villes balnéaires touristiques comme Hurghada, mais aussi pour les zones agricoles fertiles du delta du Nil, menacées par l’érosion et la salinisation des terres. Plus au sud, les côtes soudanaises subissent déjà une nette avancée de la mer menaçant certaines infrastructures portuaires.
L’Érythrée, petite nation disposant d’un faible littoral, voit ses rares zones côtières habitées sont lentement grignotées par les eaux montantes. À Djibouti, capitale économique abritant l’un des plus grands ports d’Afrique de l’Est, les risques sont particulièrement préoccupants.
En Somalie enfin, l’élévation marine exacerbe les conséquences désastreuses des conflits et de l’instabilité politique chronique, comme la destruction des infrastructures côtières et portuaires essentielles.
En deuxième ligne, les pays riverains de l’océan indien occidental ne sont pas épargné, enregistrant une hausse moyenne de 4 mm/an le long des côtes de la Somalie, du Kenya, de la Tanzanie, du Mozambique, de Madagascar et de Maurice. Les répercussions sur les écosystèmes marins, la pêche et le tourisme côtier sont déjà palpables dans ces régions très dépendantes des ressources océaniques. Entre autres villes côtières concernées on peut citer Mogadiscio (Somalie), Mombasa (Kenya), Dar es Salaam (Tanzanie), Maputo (Mozambique), Antananarivo (Madagascar).
Dans le Sud-Ouest de l’océan indien, autour de Madagascar, du Mozambique et de l’Afrique du Sud, le niveau s’élève de 3,8 mm par an en moyenne. Les basses plaines côtières de ces pays sont particulièrement vulnérables aux inondations et à l’érosion, menaçant l’habitat et les activités économiques des communautés côtières. Des villes comme Port-Louis (Maurice), Durban (Afrique du Sud) sont situées le long des côtes des pays mentionnés et sont donc affectées par l’élévation du niveau de la mer.
Le long de l’Atlantique, les pays de l’Afrique centrale et de l’Ouest sont confrontés à des hausses de 3,7 mm par an en moyenne. «Des mégalopoles comme Lagos, Abidjan ou Accra sont en première ligne face à cette montée des eaux, avec des risques considérables pour les infrastructures portuaires et les zones d’habitation densément peuplées», explique le rapport.
Qui paiera la facture ?
Cette accélération de l’élévation du niveau marin est principalement attribuée au réchauffement climatique provoqué par les émissions de gaz à effet de serre d’origine humaine. L’expansion thermique des océans et la fonte des calottes glaciaires amplifient le phénomène. « Les pays africains sont en première ligne bien qu’ils ne soient que faiblement responsables des causes de ce dérèglement climatique », plaident-ils régulièrement.
Au-delà des risques pour les infrastructures côtières, la montée des eaux menace directement la sécurité alimentaire en Afrique. L’intrusion d’eau salée dégrade les terres agricoles, pendant que l’érosion côtière réduit les surfaces cultivables. De nombreuses communautés côtières dépendantes de l’agriculture de subsistance sont d’ores et déjà impactées.
Course contre la montre
Face à cette situation alarmante, de nombreux programmes d’adaptation sont lancés par les Nations unies, l’Union Africaine et ses États membres, avec le soutien financier indispensable des pays développés. Il s’agit de construire des digues de protection, de réaliser des remblais pour défendre les zones basses, ou dans certains cas de réinstaller des communautés dans des zones plus sûres à l’intérieur des terres.
Cependant, les moyens techniques et financiers demeurent très inégaux selon les pays, creusant un fossé de vulnérabilité. Les nations les plus pauvres peinent à mettre en œuvre des politiques d’adaptation ambitieuses, faute de ressources suffisantes.
En définitive, l’élévation rapide du niveau des mers et océans qui bordent l’Afrique constitue l’un des plus grands défis de ce siècle pour le continent. Ses conséquences économiques, sociales et environnementales d’ores et déjà visibles appellent une mobilisation forte et urgente de la communauté internationale aux côtés des pays africains. «C’est une course contre la montre que nous ne pouvons-nous permettre de perdre», conclut avec gravité la Secrétaire générale de l’OMM.