Le débat sur les OGM est fortement médiatisé. De ce fait on retient surtout qu’il s’agit d’un combat entre ceux qui sont totalement pour et ceux qui sont totalement contre devant une opinion publique globalement inquiète. En ce qui concerne la sous-région ouest africaine, l’expert en biosécurité environnementale au Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD, Docteur Irméan Moussa Savadogo donne sa position sur la question des OGM et ce qui se fait au sein de la CEDEAO.
Agritorch : Peut-on classer les OGM? Si oui donnez-nous quelques classifications?
Moussa Savadogo : L’abréviation OGM désigne Organisme génétiquement modifié. Le protocole de Cartagena se réfère plutôt à OVM, c’est-à-dire Organisme vivant modifié, afin de mettre en avant la possibilité ou non de l’organisme de se reproduire, de se multiplier, et d’interagir ainsi avec l’environnement. Les anglophones, les américains surtout préfèrent le terme GE0s « genetically engineered organisms ». En réalité, le sigle OGM semble être un terme « fourre-tout », qui n’apporte pas de précision utile. Etant donné que chaque modification génétique est spécifique à une espèce de plante ou d’animal donnée pour lui conférer un trait, c’est-à-dire une caractéristique précise, désirée, on devrait plutôt parler de telle plante génétiquement modifiée pour tel ou tel caractère. C’est ainsi qu’on devrait parler de coton génétiquement modifié pour la tolérance aux insectes carpophage, ou coton génétiquement modifié tolérant l’herbicide glyphosate, riz génétiquement modifié résistant à la bactériose vasculaire, riz génétiquement modifié enrichi a la vitamine A, maïs génétiquement modifié résistant à la sècheresse, saumon génétiquement modifié à croissance rapide, etc.
En termes de classification, on peut dire que jusque-là, on a :
Des plantes génétiquement modifiées résistantes aux insectes ravageurs
Des plantes génétiquement modifiées tolérantes aux stress abiotiques, la sécheresse en l’occurrence
Des plantes génétiquement modifiées pour la résistance aux herbicides
Plantes génétiquement modifiées pour leurs valeurs nutritionnelles accrues
Animaux (poisson saumon) génétiquement modifiés pour une croissance rapide
Moustiques génétiquement modifiés pour réduire voire éliminer la transmission du paludisme
Etc.
Agritorch : Quelle semence ou aliment OGM est présente dans la sous-région ouest africaine?
Moussa Savadogo : Depuis l’interruption en 2016 de la culture du coton génétiquement modifié résistant au vers ravageur du cotonnier, il n’y a, officiellement pas de variété génétiquement modifiée vulgarisée et cultivée à grande échelle dans l’espace CEDEAO.
Cependant tout récemment les choses se sont accélérées avec l’autorisation du niébé (haricot) génétiquement modifié résistant au foreur de gousse (Maruca) communément appelé niébé Bt au Nigeria et au Ghana. Au Nigeria, il y a présentement la multiplication des semences pour permettre une culture à grande échelle du niébé BT . Le Ghana est au stade des parcelles de démonstration, et les paysans ghanéens qui ont visité ces parcelles ont exprimé leur émerveillement quant aux performances supérieures du niébé comparativement au niébé conventionnel. Le Burkina Faso sera le troisième pays de la sous-région à vulgariser le niébé Bt probablement à partir de l’année prochaine.
Le Nigeria expérimente également le maïs génétiquement modifié, résistant aux insectes foreurs de tige et à la sécheresse.
Ce pays a également autorisé la culture du coton Bt qui avait été délaissé par le Burkina Faso et dont, les contonculteurs du Burkina Faso semblent aujourd’hui souhaiter le retour.
Dans le cadre de la lutte contre le paludisme, les chercheurs au Burkina et au Mali étudient au laboratoire la possibilité d’utiliser des moustiques génétiquement modifiés. Mais ceci reste encore au stade de laboratoire et il n’y a pour le moment aucun moustique génétiquement modifié dans l’environnement. Cela prendra encore plusieurs années.
Agritorch : Les autorités compétentes affirment qu’il n’existe aucune culture ou produit OGM au Togo? Peut-on y croire avec nos frontières poreuses ?
Moussa Savadogo : L’autorité compétente en matière de biosécurité, en l’occurrence le ministère en charge de l’environnement, est l’autorité désignée et investie comme telle pour traiter des questions de biosécurité liées aux biotechnologies modernes au Togo. Et cela, en vertu de la législation et des dispositions prévues par le Protocole de Cartagena sur la prévention des risques biotechnologiques dont le Togo est signataire depuis ….. Officiellement, aucun OGM ou produit dérivé ne peut être utilisé ou en transit au Togo s’il n’a été dûment examiné, strictement évalué suivant et les procédures prévues en la matière et légalement autorisé par l’autorité compétente. Donc, l’autorité compétente ne reconnait et ne peut communiquer que sur ce qu’elle a autorisé. Néanmoins, cela n’empêche pas que des échantillonnages et des analyses soient entrepris de temps à autres pour vérifier et s’assurer qu’il n’y a pas d’introductions frauduleuses, auxquels cas les dispositions prévus par la loi de biosécurité s’appliquent dans toute sa rigueur.
Agritorch : Les OGM ne demeurent pas un passage obligatoire pour l’autosuffisance alimentaire?
Moussa Savadogo : La science, la technologie et l’innovation avancent inexorablement grâce à la dynamique de la recherche, et elles ont pour but et vocation d’aider à résoudre les problèmes cruciaux pour le développement et le progrès. L’autosuffisance alimentaire (en quantité et qualité) est un défi majeur pour la plus grande majorité de la population du monde, et en particulier en Afrique au sud du Sahara. Sa réalisation est une priorité absolue, chaque jour rendue incertaine en raison de multiples facteurs dont les changements climatiques, la croissance exponentielle de la population et l’urbanisation accrue. En même temps il se trouve que l’ingénierie génétique (biotechnologie moderne) signe l’une des avancées majeures du siècle. Bien entendue, sans être une panacée, les biotechnologies modernes, si elles sont correctement encadrées par l’application des règles de biosécurité, telles que prévues par les accords multilatéraux et les législations nationales, peuvent contribuer à l’atteinte de l’autosuffisance alimentaire. Nous devons faire confiance à la science, à l’innovation, à nos chercheurs et à nos institutions de réglementation
Quel rôle doit jouer les gouvernants, les scientifiques et la société civile sur cette approche inévitable vers les OGM
Nous devons faire confiance à la science, à l’innovation, à nos chercheurs et à nos institutions de réglementation.
Quelle est votre appréciation succincte de la question des OGM?
La science, la technologie et l’innovation avancent inexorablement grâce à la dynamique de la recherche, et elles ont pour but et vocation d’aider à résoudre les problèmes cruciaux pour le développement et le progrès. Il n’y a pas de mauvaise ou bonne technologie en soi, tout dépend de ce qu’on en fait
L’ingénierie génétique (biotechnologie moderne) constitue l’une des avancées majeures de ce siècle. C’est pourquoi certains ont parlé de révolution génique.
Les biotechnologies et les OGM ne sont pas une panacée. Cependant si les biotechnologies modernes sont correctement encadrées par l’application des règles de biosécurité, telles que prévues par les accords multilatéraux tels que le Protocole de Cartagena sur la prévention des risques biotechnologiques et les législations nationales, elles peuvent contribuer à relever les défis majeurs auxquels nous faisons face en terme de productivité agricole et d’autosuffisance alimentaire
Est-ce que les OGM sont-ils vraiment nocifs?
Cette question revient souvent. Mais en réalité, elle mérite d’être précisée en raison du fait que ‘OGM’ tout court ne veut rien dire. Les produits de la biotechnologie moderne qui ont été autorisés selon les procédures prévues sont sans effet défavorables pour la consommation humaine, animale et pour l’environnement. C’est le sens même de l’évaluation des risques qui un processus rigoureux qui permet d’écarter les risques potentiels à la limite des connaissances scientifiques acquises. Il importante de noter également que même après leur mise sur le marché, les produits sont toujours suivis.
Pourquoi l’Europe importe les OGM et l’interdit aux africains?
La plupart des pays européens ne cultivent pas les variétés améliorées par la biotechnologie moderne. Ils importent plutôt massivement des produits tels que le soja OGM du Brésil, de l’Argentine, etc.
Comment peut- on expliquer l’interdiction d’importation aux pays africains?
L’Europe a ses raisons qu’il ne nous pas appartient pas de commenter. Le plus important, c’est que l’Afrique sache ce qu’elle veut, et prenne ses décisions en toute responsabilité
Est-ce qu’il existe des études scientifiques qui ont démontrées les méfaits ou bienfaits des OGM?
La littérature est abondante. Les organisations spécialisées et hautement crédibles animent des plateformes qui mettent à la disposition du public des informations fiables.
Pourquoi la voix des anti OGM est retentissante alors qu’ils n’ont pas davantage de moyens financiers que ceux qui sont pro OGM ou les firmes qui produisent les OGM (Bayer)?
Chacun joue son rôle avec les moyens à sa disposition, et la manière dont il veut utiliser ses ressources. Ce qui est important, c’est le sens critique du « consommateur » et surtout de savoir où trouver la bonne information qu’il souhaite avoir. Que font les associations des consommateurs ?
Propos recueillis par Tigossou Midas