Le Togo est un pays à vocation agricole. Le développement du secteur de l’agriculture dépend de différents facteurs liés à la production, aux moyens de transformation, aux possibilités d’échanges, etc. La disponibilité et l’allocation optimale de ces différents facteurs déterminent la performance agricole du pays. Quels sont alors les caractéristiques et enjeux de l’agriculture togolaise ?
Le pays est découpé en cinq (5) grandes régions économiques (savanes, Kara, Centrale, Plateaux, maritime) adaptées à la production de différentes spéculations agricoles.
Facteurs de production agricole
Le climat, le sol, la main d’œuvre, l’eau, les intrants, les équipements, le financement sont autant de facteurs indispensables à la production végétale, animale et halieutique.
Naturellement, le Togo jouit d’un climat du type tropical donnant lieu à deux zones climatiques très favorables aux activités agricoles. Une zone subtropicale au sud où il y a deux saisons pluvieuses et deux saisons sèches (de mars à juillet et de septembre à novembre). Une zone guinéo-soudanienne au centre et dans les zones montagneuses de l’Ouest avec une seule saison pluvieuse (d’avril à juillet).
Les températures oscillent entre 24 et 33° tandis que la pluviométrie moyenne varie de 800 mm à 2200 mm selon les saisons et les régions. Ce climat est favorable au développement de plusieurs activités agricoles et para-agricoles.
Sur le plan édaphique, les sols togolais sont largement propices à l’agriculture et se répartissent entre les différentes zones agroécologiques du pays. Ils sont constitués pour plus de la moitié des sols ferrugineux tropicaux. Le reste est partagé entre les sols ferralitiques et les sols hydromorphes. Les sols cultivables se chiffrent à 3,6 millions d’ha dont seulement environ 1,4 millions, soit moins de 40% sont cultivés. Plus de 60% des espaces cultivables restent à valoriser. La région des plateaux dispose de la plus vaste superficie agricole du pays.
L’accès régulier à l’eau est indispensable pour tout être vivant (humains, animaux, poissons, plantes, etc..). Le territoire national est alimenté par plusieurs cours d’eau. La FAO a estimé les ressources en eaux renouvelables internes du pays à 11,5 km3 /an provenant des eaux de surface et des eaux souterraines.
Mais, en dépit de ces ressources en eau, l’agriculture togolaise fait toujours face aux aléas climatiques. L’agriculture est essentiellement pluviale et vibre au rythme de saisons. Car, la disponibilité en eau pour les besoins agricoles n’est pas permanente tout au long de l’année. Les infrastructures de stockage d’eau et d’irrigation font cruellement défaut. Moins de 1% des terres cultivées sont irriguées pour un potentiel irrigable estimé à 200 000 ha. Ce qui augmente la vulnérabilité des producteurs.
Ainsi, pour valoriser les ressources en eau du pays notamment pour l’alimentation humaine, pour l’irrigation des cultures, pour l’alimentation animale et pour l’élevage des poissons, ces dernières années plusieurs projets et programmes pour la plupart publics (PDRD, PDPR-K, PDRI-MÔ, APRODAT) sont mis en place. Ainsi, des infrastructures de stockage d’eau et de gestion des ressources en eau se réalisent. Il s’agit concrètement de la construction de forages, de retenues d’eau, des ouvrages d’alimentation (cordons pierreux), des digues d’amortissement, des ouvrages pour le drainage notamment des diguettes secondaires, des travaux d’aménagement, de la construction de centrales solaires photovoltaïque des stations de pompage, etc.
Ces interventions ont fait progresser le taux d’irrigation du pays. La part des superficies irriguées est passée de 0,16% en 2019 à 0,25% en 2020, soit une progression de 56,25 % en une campagne agricole. Le riz reste la culture la plus irriguée du pays.
Le processus de maitrise d’eau devrait s’accompagner de l’approche Gestion intégrée des ressources en eau (GIRE) afin de mieux optimiser l’utilisation de l’eau y compris dans l’agriculture qui est la première source de consommation de l’eau.
Les outils agricoles sont rudimentaires
La houe, la daba, le coupe-coupe sont les principaux outils utilisés par les paysans togolais. Très peu de producteurs agricoles ont recours aux matériels et équipements (tracteurs, charrues, motoculteurs). Seulement 1% des terres sont mécanisées et environ 4% des agriculteurs togolais utilisent les outils de mécanisation. Pour réduire la pénibilité des activités, accroitre les emblavures et la productivité agricole, il est impérieux de moderniser l’agriculture togolaise. Dans cette logique, certains projets ont acquis des tracteurs et autres matériels au profit des producteurs agricoles. Le partenariat public-privé constitue une opportunité à saisir pour la modernisation du secteur. A titre d’illustration, les actions encours du MIFA en partenariat avec AFRICA LEASE qui met à la disposition des producteurs des tracteurs en crédit-bail sont encourageantes.
En termes de ressources humaines, plus de 70% de la population active togolaise vit de l’agriculture, une agriculture paysanne utilisant largement la main d’œuvre familiale. Mais cette main d’œuvre en majorité non qualifiée et déployant essentiellement de l’énergie humaine n’est pas mesure à elle seule de relever le défi auquel l’agriculture togolaise est confrontée. Par ailleurs, les ressources humaines qualifiées utilisées en grande partie dans la recherche agricole et dans l’encadrement des acteurs agricoles demeurent largement insuffisantes. En janvier 2021, le déficit en agents au ministère de l’agriculture a été évalué à 1 717 agents en raison des départs à la retraite et de divers mouvements au sein du personnel. Ce personnel technique d’appui pour s’adapter aux innovations constantes dans le secteur bénéficie des formations et des stages périodiques. Entre autres initiatives publics de renforcement des capacités, nous pouvons citer ITRA, ICAT, INFA, ESA sans oublier PNPER, PPAAO Togo qui accompagnent étudiants, les chercheurs, les vulgarisateurs et les enseignants-chercheurs en formation diplômante. Quant aux acteurs agricoles directs, producteurs et transformateurs notamment, ils bénéficient à leur tour des services de vulgarisation, de formation et du suivi-appui-conseil des structures publiques (DFDTOPA, ICAT) comme des structures non étatiques (ONG, sociétés, OPA). Néanmoins, des efforts restent à faire pour améliorer le ratio d’encadrement des acteurs agricoles et pour le renforcement des capacités techniques des agents et des acteurs agricoles. Le projet d’Appui à l’Education et à la Formation Technique Professionnelle Agricole au Togo (EFTPA) est une initiative intéressante à laquelle la participation du secteur privé est nécessaire.
L’intrant est pour le producteur agricole, ce que la levure représente pour le boulanger. Sont appelés intrants agricoles les semences, les engrais, les produits phytosanitaires, les provendes et autres aliments pour bétail, les aliments pour poissons, etc. Au Togo comme dans la plupart des pays africains, l’accès aux intrants n’est pas aisé en raison de son indisponibilité et surtout de son coût élevé. L’accès aux intrants à crédit est garanti seulement pour les cultures de rentes (coton, café, cacao…) dont le mécanisme de recouvrement est sécurisé. Mais, ce n’est pas le cas pour les cultures vivrières.
Au Togo, seulement 8% des besoins nationaux en semences de qualité des producteurs agricoles sont couverts. Pour les engrais de qualité, le taux de couverture des besoins nationaux est de 16kg/ha alors que la consommation moyenne mondiale de 98 kg/ha et de 191 kg/ha en Asie.
Conscient de l’incidence négative de la faible consommation des intrants sur la productivité agricole en Afrique, le NEPAD et l’UA ont recommandé aux Etats africains en 2006 d’accroître la consommation d’engrais à hauteur de 50kg/ha à l’horizon 2015.
Ainsi, depuis quelques années, le gouvernement et ses partenaires au développement mettent en place des mécanismes pour améliorer la consommation des intrants par les producteurs. L’Agence de Promotion des Agropoles du Togo (AProDAT), la Centrale d’Approvisionnement et de Gestion des Intrants Agricoles (CAGIA), le programme Yolim, la FAO et la GIZ appuient les opérations de distribution de semences et d’engrais. Ces acteurs publics travaillent en partenariat avec des opérateurs économiques privés notamment pour la fourniture et la distribution. Toujours est-il que des plaintes continuent d’être enregistrées au niveau des agriculteurs, des éleveurs et des pisciculteurs. Une évaluation globale de la filière intrants permettra de mesurer le niveau réel d’amélioration de l’accès aux producteurs ainsi que l’efficacité du système de gestion des intrants.
Le financement est un facteur de production déterminant dont la disponibilité permet de nos jours de surmonter les insuffisances liées à d’autres facteurs y compris des facteurs naturels comme le climat, l’eau, la main d’œuvre, les intrants, etc. Ainsi, l’agriculture togolaise bénéficie de l’intervention de plusieurs catégories d’acteurs (Etat, PTF, ONG, Banque, SFD,..) selon diverses modalités. Le secteur a toujours fait partie des secteurs prioritaires pour les investissements publics de l’Etat et des partenaires au développement. Des engagements internationaux, régionaux et nationaux sont fréquemment pris pour accroître le volume et l’efficacité du financement dans l’agriculture (MAPUTO, MALABO, ABUJA,…).
Pour la période 2010-2014, les dépenses publiques dans l’agriculture s’élevaient en moyenne à 36, 49 milliards de FCFA dont plus de la moitié constitue des ressources extérieures. Le budget et les dépenses évoluent en fonction des priorités de l’Etat sous contrainte bien entendu des facteurs exogènes comme les cours des intrants, les pandémies, les fluctuations des prix des produits agricoles, le changement climatique, les crises économiques, les conjonctures comme la pandémie du COVID 19, etc.
L’indice d’orientation agricole du pays reste à améliorer car la part du budget agricole dans le budget national est largement inférieure à la contribution du secteur au PIB national. De même, entre 2010-2014, les dépenses publiques agricoles étaient de l’ordre 6,5%. Elles étaient en deçà des engagements de MAPUTO et de MALABO qui exigent que 10% des dépenses publiques soient consacrées à l’agriculture à l’horizon 2025.
Mais ces dernières années, le gouvernement a multiplié des initiatives dans le sens de l’amélioration du financement agricole. Au nombre de celles-ci, on peut citer le Mécanisme Incitatif de Financement Agricole fondé sur le partage de risques (MIFA), le partenariat entre PASA et Banques commerciales avec la mise en place des fonds de garanties, le projet YOLIM relatif au crédit intrants à taux d’intérêt nul aux acteurs des chaines de valeurs et l’octroi des 20% des marchés aux jeunes et aux femmes, et bien d’autres initiatives sont des opportunités pour renforcer l’accès au financement agricole des acteurs agricoles en général et spécifiquement des personnes les plus marginalisées que sont les jeunes et les femmes.
Il faut toutefois noter que le budget du ministère et celui des PTF ne couvrent pas la totalité des financements destinés à l’agriculture. Plusieurs autres acteurs financent le secteur agricole sans un lien véritable avec les structures publiques. Le financement agricole togolais provient également des Aides Publiques au Développement (APD) bilatérales et multilatérales, des Investissements Directs Etrangers (IDE), des crédits octroyés par les banques et par les SFD, des ONG, des fondations, du financement propre des acteurs agricoles individuels, en coopératives ou provenant de leurs partenaires, des transferts de fonds des ressortissants, etc.
Le financement agricole des structures financières privées nationales est particulièrement faible. Moins de 1% du financement des banques privées est destiné à l’agriculture à cause des multiples aléas qui pèsent sur le secteur.
Des mécanismes innovants de financement notamment le partenariat public et privé, le financement participatif, le crédit-bail vont sans doute améliorer le financement agricole.
Principaux acteurs du secteur agricole
Le secteur agricole togolais est animé par un grand nombre d’acteurs. Plusieurs typologies sont utilisées pour distinguer les acteurs agricoles. Nous allons retenir ici deux (2) grandes catégories d’acteurs sur la base de la nature de leur mission : les acteurs étatiques et les acteurs non étatiques.
Les acteurs étatiques ou publics regroupent les institutions publiques ainsi que les partenaires au développement qui défendent l’intérêt général. Ils définissent la politique agricole, appuient, régulent et assurent la coordination globale du secteur. Le Ministère de l’Agriculture, de l’Elevage et du Développement Rural (MAEDR) en est le bras opérationnel. Sa structure est composée de directions centrales, de directions techniques, de directions régionales, de structures autonomes ou services rattachés au cabinet et de plusieurs projets et programmes.
Les principaux partenaires au développement sont des partenaires techniques et financiers multilatéraux ou bilatéraux comme les institutions des nations unies (FAO, FIDA, PNUD), la banque mondiale, les coopérations techniques (GIZ, USAID, JICA, AFD,…) et les institutions continentales et régionales (NEPAD, CEDEAO, BAD, BIDC, UEMOA, BOAD,…). Les partenaires au développement intervenant dans le secteur agricole regroupés au sein du groupe des partenaires techniques et financiers des secteurs agricole (GPTFSA) appuient aussi la politique agricole avec des projets et programmes successifs qui s’adaptent aux contextes national et international.
Les mairies sont également de nouveaux acteurs publics à la base qui accompagnent la politique agricole dans leurs communes.
Les acteurs non étatiques sont constitués par le secteur privé et la société civile. Le secteur privé est composé par les acteurs des chaines de valeurs agricoles (producteurs, transformateurs, institutions financières, assureurs, commerçants, transporteurs, distributeurs, consommateurs) qui recherchent l’intérêt individuel ou le profit.
Les grosses entreprises agroalimentaires constituent des acteurs majeurs des filières agricoles qui influencent les décisions et les actions dans les différentes filières agricoles de l’amont à l’aval. Elles sont présentent principalement dans l’amont (agrofournitures), dans la transformation (égrenage, confiseries, brasseries, boulangeries,..), dans le négoce (exportations) et dans la distribution (supermarchés, restaurants,..). OLAM est actuellement la plus grosse multinationale agroalimentaire présente sur le territoire togolais.
Les acteurs de la société civile sont représentés par les ONG, les fondations, les organisations et associations professionnelles. Ils accompagnent les acteurs des chaînes de valeurs et principalement les producteurs agricoles. Ils luttent également pour la préservation de l’environnement et des ressources naturelles.
Prenant la mesure des limites des actions individuelles, les producteurs agricoles s’organisent en coopératives, en interprofession pour mettre en synergie leurs efforts afin de bénéficier des appuis extérieurs et pour mieux peser dans les négociations en faveur de leurs activités.
La Coordination Togolaise des Organisations paysannes et de producteurs agricoles (CTOP) est l’émanation du monde paysan togolais.
Les interprofessions constituent la nouvelle plateforme d’échanges qui regroupent les principaux acteurs des chaines de valeurs des filières agricoles. On dénombre actuellement une quinzaine d’interprofessions au niveau national : maïs, riz, manioc (groupe des plantes à racines et tubercules), karité, fonio, sésame, mangue, maraichage, sésame, soja, anacarde, poisson, apiculture, petits ruminants, volailles et gros bétail.
Poids de l’agriculture dans l’alimentation et dans l’économie nationale
L’agriculture togolaise fournit aussi bien des produits végétaux, animaux qu’halieutiques. Mais, la production végétale est de loin la plus importante en termes de diversité, de contribution à la sécurité alimentaire, d’occupation d’actifs et du poids dans l’économie nationale.
La part de la production végétale dans la formation du PIB agricole est largement prépondérante avoisinant les 90%. Celle de l’élevage et de l’halieutique s’élève respectivement à environ 6,8% et 3%.
Les principales cultures végétales sont le manioc, l’igname, le maïs, le sorgho, le riz, le coton, le café, le cacao, l’ananas, le soja, l’anacarde, les légumes,….
Le Togo est actuellement le champion africain du soja biologique en Europe. Une position qui peut être maintenue voire renforcée au regard des potentialités agricoles et de l’engouement des acteurs.
Les principales filières animales sont : les Volailles, les œufs, les bovins, les caprins, les porcins, les ovins, le lait,…
L’halieutique est dominée par la pêche artisanale et dans une moindre mesure la pisciculture.
La productivité agricole est globalement faible. Comparativement aux pays asiatiques, le rendement des cultures et la productivité de travail agricole sont tous médiocres au Togo comme en Afrique subsaharienne. Ce qui affecte la disponibilité alimentaire dans certaines régions du pays et les revenus des acteurs.
Si les besoins en céréales notamment en maïs, en racines et tubercules sont couverts par la production nationale, le taux de couverture en produits carnés est de l’ordre 71.61% et celui des produits halieutiques de 35,83% en 2016. Le gap est comblé par des importations alimentaires.
En effet, l’analyse du Cadre Harmonisé indique qu’environ 16,7% de la population aurait été en insécurité alimentaire sur la période Juin-Août 2016. En dehors de la sous-alimentation, les populations rurales agricoles sont également plus touchées par la pauvreté que les populations urbaines. Les populations agricoles continuent ainsi de vivre sous la menace de la faim et de la pauvreté.
Il n’en demeure pas moins que l’agriculture reste le pilier de l’économie togolaise. Elle contribue pour environ 39% au PIB total du pays (MAEH, 2016). Cette part élevée du PIB agricole traduit la dépendance agricole du pays notamment à l’égard des produits bruts. Toutefois, la part du PIB agricole dans le PIB total régresse quoique lentement au profit des autres secteurs indiquant le début d’une transition économique du pays. Selon les données de la Direction Générale des Etudes et Analyses Economiques du Ministère de l’Economie et des Finances, le PIB agricole nominal est passé de 421,930 milliards en 2015, à 459,067 milliards en 2016 pour atteindre 494,350 milliards FCFA en 2017, soit un accroissement moyen annuel de 8% au cours de la période.
Selon INSEED (2017), les exportations de biens et services agricoles s’élevaient en valeur à 2, 842 milliards de FCFA en 2014 contre une valeur de 19,431 milliards pour les importations. Ainsi, la balance commerciale agricole demeure chroniquement déficitaire. Il est de l’ordre de – 59,2 milliards en FCFA en 2020.
Signalons tout de même que la production agricole en général y compris celle des sous-secteurs productions animale et halieutique évoluent grâce à diverses interventions ayant pour but de réduire la dépendance alimentaire en protéine animale, de dégager des revenus importants aux acteurs agricoles ainsi que des devises au pays.
Malgré les résultats positifs enregistrés, l’agriculture togolaise continue de faire face à plusieurs difficultés qui entravent l’exploitation de toutes ses potentialités.
Faiblesses du secteur agricole
La position importatrice nette de produits alimentaires et parfois d’insécurité alimentaire de certaines régions du Togo contrastent avec les énormes potentialités agricoles du pays.
La faible mécanisation, la non maitrise de l’eau, le faible aménagement des terres et la faible couverture des besoins en intrants et en financement pour la production agricole se traduisent par la faible productivité et la contre-performance du secteur agricole.
Par ailleurs, à l’instar de la majorité des pays africains, les données statistiques constituent un problème et principalement dans le secteur agricole. Le recensement général de l’agriculture n’est pas systématique et les dispositifs de collecte des données sont précaires et n’ont parfois de durée de vie que celle du projet porteur de l’initiative. Ainsi, l’accès et la fiabilité des données ne sont pas toujours garantis.
Bien que la coordination du secteur agricole soit assignée au ministère de l’agriculture, il faut admettre objectivement que beaucoup d’interventions dans le secteur agricole lui échappent. Car l’agriculture est un secteur très vaste et concerne directement et indirectement un grand nombre d’acteurs dont les actions ne sont pas toujours portées à la connaissance des structures compétentes dudit ministère.
Ce qui complique l’évaluation précise de la performance et surtout la fiabilité de certains indicateurs de mesure de la performance du secteur agricole.
En outre, hormis des perturbations internes liées notamment à l’utilisation des outils rudimentaires, à la non maîtrise de l’eau, à la faible mécanisation, aux difficultés d’accès au financement, à la faible transformation des produits agricoles, l’agriculture togolaise est également fortement impactée par les facteurs exogènes comme le changement climatique, les fluctuations des prix internationaux des intrants et des produits agricoles, les barrières à l’exportation de plusieurs produits agricoles et alimentaires locaux, les tensions internationales comme la crise financière des années 2007-2008, la pandémie de COVID19 et actuellement la graine Russie-Ukraine pour ne citer que celles-là.
Ces difficultés, loin d’émousser l’ardeur des acteurs agricoles, constituent surtout des espaces d’innovations, d’investissements et de segments d’opportunités à saisir pour le développement agricole national.
Perspectives
Des tendances lourdes et des facteurs conjoncturels pèsent sur le développement agricole du Togo. L’agriculture nationale comme celle de la plupart des pays africains est régulièrement secouée par des chocs internes et par des chocs exogènes qui ne facilitent pas l’exploitation optimale des potentialités agricoles.
Néanmoins, les orientations stratégiques notamment la vision stratégique 2025 pour l’agriculture togolaise « Une agriculture productive, à haute valeur ajoutée, moteur de valeur économique des agriculteurs et de croissance du pays » et les différentes actions qui en découlent impliquant plusieurs acteurs sous le leadership du ministère en charge de l’agriculture sont porteuses d’espoir pour une réelle transformation agricole au Togo. Le plan national d’investissement agricole et de sécurité alimentaire et nutritionnelle (PNIASAN), l’augmentation des dépenses agricoles dans le budget de l’Etat, la mise en place des agences et mécanismes de promotion agricole comme le MIFA pour le financement ; l’APRODAT pour le développement des agropoles ; la création des Zones d’Aménagements Agricoles Planifiées (ZAAP) ; l’ouverture du secteur agricole au secteur privé notamment les partenariats avec OLAM pour le développement du coton ; Dangote group pour les engrais qui vient d’inaugurer Dangote Fertilizer Plant, la deuxième plus grande usine de production d’engrais dans le monde ; la mise en place de la bourse des matières premières agricoles, le Marketplace de la Bourse Agricole et Alimentaire ; sont autant d’indices qui dénotent de la volonté gouvernementale de faire du secteur agricole un levier du développement.
Par ailleurs, la demande croissante en produits agricoles et alimentaires frais et transformés, les besoins en modernisation de l’agriculture par la mécanisation et la digitalisation, les énormes potentialités agricoles non encore exploitées du pays, les facilités accordées par le gouvernement aux investisseurs privés, accroissent l’intérêt des opérateurs économiques pour le secteur agricole et surtout pour l’agro-industrie. Ainsi, de nouveaux liens d’affaires, des innovations en financement agricole, la volonté de satisfaire les exigences du marché grâce aux formations et à l’adoption des technologies de pointe suscitent l’intérêt des acteurs agricoles, des professionnels de la finance et des opérateurs des nouvelles technologies pour l’agriculture.
En effet, la numérisation et l’utilisation des GPS permettront d’améliorer la disponibilité et la fiabilité des données statistiques. Ainsi de meilleures décisions seront prises pour l’amélioration des conditions de travail et pour la performance du secteur agricole ainsi son impact sur le développement du pays.
Enfin, il est important de renforcer continuellement la résilience des acteurs agricoles à travers le renforcement des capacités techniques et organisationnelles, la coordination nationale du secteur agricole ainsi que le financement des fonctions critiques des différentes filières porteuses.
Gilles Amoussou, Expert en développement agricole